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« Assassins !» : en Espagne, ce sont les autorités

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« Assassins !» : en Espagne, ce sont les autorités

Les inondations consécutives aux pluies d’une violence inouïe qu’a connues la région de Valence en Espagne, le 29 octobre 2024, ont fait au moins 213 morts et des disparus. Face à la pire catastrophe naturelle de l’histoire du pays, habitants et spécialistes réclament la mise en place d’une vraie culture de prévention. L’Etat espagnol ne communique nullement les chiffres de morts réels les raisons et motifs sont plus que funestes. Mais les espagnols sauront-ils les vérités ?

Inondations en Espagne : « Ils nous ont prévenus trop tard »

José Vicente marche au milieu des détritus, des voitures enchevêtrées dans la zone industrielle de Chiva. « C’est l’apocalypse », grommelle-t-il. Il cherche un récipient suffisamment grand parmi tout ce qui jonche le sol : « On n’a pas d’eau. On attend le camion-citerne. »

Lagion d’Espagne Felipe VI pris à partie par un homme en colère lors de sa visite à Paiporta, dans la région de Valence, après des inondations dévastatrices et meurtrières

« Fils de putes ! », « Assassins ! » … A Paiporta, commune espagnole ravagée par les inondations du début de semaine, la foule a laissé éclater sa colère contre les autorités lors d’une visite du roi Felipe VI, marquée par des huées et des jets de boue.

« Combien y a-t-il de morts ? » : l’arrivée du roi et de la reine Letizia, des habitants de cette localité de 25 mille habitants située au sud de Valence, des habitants hors d’eux ont pris le cortège à partie. Dans leur viseur, le Premier ministre socialiste Pedro Sánchez et le président de la région de Valence Carlos Mazón, figure du Parti populaire (PP : droite), présents aux côtés du couple royal.

Cinq jours après les pluies torrentielles qui ont détruit une partie de la région, les autorités effectuent leur première visite officielle sur le terrain, encore encombré de voitures empilées, de boue et de débris. les habitants de Paiporta, où l’on recense déjà plus de 70 morts et un nombre indéterminé de disparus dans les parkings inondés, selon la municipalité – ce déplacement est trop tardif.

À l’arrivée du cortège officiel, à quelques mètres de l’Auditorium municipal, des centaines de personnes se bousculent vers les voitures noires des autorités. « Le Premier ministre, c’est un chien ! », crie un habitant. Pedro Sánchez puis Carlos Mazón, sous des jets de boue et de débris, sont rapidement évacués par des gardes du corps inquiets. Seul avance le couple royal que des policiers débordés tentent de protéger.

« Vous n’avez pas honte ? »

« Ce ne sont pas des morts, ce sont des meurtres », lancent des jeunes. Un homme, en larmes, crie au couple royal de quitter la commune. La tension monte. Il y a des charges, des glissades et beaucoup de colère. Le roi, la veste tachée de boue, le visage et les cheveux eux aussi, réussit à avancer de quelques pas.

« Si vous étiez venus le premier jour et aviez mis des bottes, le peuple vous aurait soutenu », lui reproche un jeune homme. « Felipe, il y a des morts là-bas ! », lance-t-il au monarque, qui s’efforce de lui donner des explications.

Quelques mètres plus loin, la reine Letizia, le front et le nez eux aussi couverts de boue, écoute une jeune fille choquée. « Il y a des enfants morts, vous n’avez pas honte ? », leur crie un homme.

Malgré l’arrivée des secours et des forces de l’ordre, les habitants de cette banlieue sud de Valence se sentent seuls. Et entendent le faire savoir aux autorités, accusées de n’avoir pas relayé à temps l’alerte de l’agence météo le soir des intempéries. « Où est Pedro Sanchez, Pedro Sanchez où est-il ? », ont chanté des habitants, la voix déchirée, alors que le Premier ministre avait quitté les lieux.

« Vous allez nous oublier »

Après avoir parcouru à pied une partie de ce qui était il y a quelques jours encore l’une des avenues de la ville, maintenant convertie en un cimetière de décombre et de boue, le couple royal tente de monter dans leurs véhicules.

La première tentative est un échec et ils reculent, sous la protection nerveuse de leurs équipes de sécurité. Après avoir discuté avec d’autres voisins, le cortège officiel parvient finalement à quitter la ville, abandonné à sa nouvelle réalité.

« Ils sont tous venus ici pour protéger le roi et ne laissent pas passer ceux qui viennent vraiment protéger les rues », déplore Adrián Garcia, qui comme beaucoup d’habitants de la région n’oubliera jamais la nuit de mardi à mercredi. « J’ai vu une passerelle se casser. Nous avons dû sauver des femmes âgées, des policiers et moi-même », se souvient d’une voix tremblante cet habitant, les pieds maculés de boue.

Le restaurant où il travaillait étant détruit, avec une reconstruction qui pourrait durer des mois, l’avenir semble très lointain pour cet habitant. « Dans une semaine, vous allez tous nous oublier », se lamente-t-il.

C’est une visite particulièrement éprouvante qu’ont menée le roi Felipe et son épouse Letizia d’Espagne, à Paiporta, commune de la région de Valence la plus touchée par les inondations. Aux côtés du Premier ministre Pedro Sánchez et de Carlos Mazón, président de la région de Valence, le couple royal a fait face aux accusations, jets de boue et larmes des sinistrés.

Au milieu d’une tension extrême, qui a nécessité l’intervention de la police montée pour faire reculer les protestataires les plus violents, Felipe et Letizia ont reçu de la boue sur le visage et sur leurs vêtements. Un épisode sans doute sans précédent dans l’histoire de la monarchie espagnole. « Assassins ! Assassins ! », ont hurlé des habitants excédés.

Felipe, il faut « comprendre la colère » des habitants

Si elle est un temps restée impassible face aux insultes et à la violence l’entourant, la reine d’Espagne a finalement craqué face au désespoir de certains sinistrés. De son côté, Felipe a tenté de calmer les Valentinois les plus virulents. Après une heure de visite écourtée, le roi a affirmé dans une vidéo postée sur X qu’il fallait « comprendre la colère et la frustration » des habitants « en raison de ce qu’ils ont subi ». Il a appelé à « leur donner de l’espoir et à garantir que l’Etat est présent » pour les aider.

Selon un dernier bilan, au moins 217 personnes ont péri dans ces inondations, à savoir 213 dans la seule région de Valence. Le chiffre bilan des victimes une fois dévoilé sera de combien supérieur à celui annoncé en ces moments. La réalité sera-t-elle multiplié par 4 ou 5 voir plus ? Les autorités savent que le bilan est appelé à s’alourdir. Sur le terrain, la population reste confrontée à une situation dramatique, avec des infrastructures détruites ou hors service et des monceaux de voitures et de débris sur la chaussée. Selon les autorités, plusieurs milliers de foyers restent encore privés d’électricité.

Le Panda

Patrick Juan

 

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