MEURTRES PEDOPHILES

Pédophilie scandales, meurtres de l’Eglise catholique en France et ailleurs

Temps de lecture : 6 minutes

Pédophilie scandales, meurtres de l'Eglise catholique en France et ailleurs

Départ de faits plus que criminels, jamais ignorés de l’église catholique, ces réalités touchent toutes les classes de la société. La première partie ne peut n’y laisser indifférent et l’essentiel demeure de comprendre les crimes, les vies détruites, puis les solutions doivent indéniablement trouver une ou plusieurs réponses sur des preuves irréfutables.

Comment nier ces actes sans pardon, alors qu’ayant fréquenté le patronage, prenant pour argent comptant les propos des prêtres. Sans être une seconde dupe, je fréquentais ces lieux, car là aussi se trouvait, mes copains, mes amis. Telle que le démontre le début de La Commission indépendante, le clergé, l’église et ceux qui les entouraient étaient plus que coupables.

Les souvenirs d’enfant reviennent et à l’époque nous n’allions pas à l’école le jeudi, mais nous étions voués à vendre « Le Pèlerin » la revue du christianisme que nous devions vendre dans les rues, tels des colporteurs. Nous avions dix exemplaires à négocier de préférence à des dames ou des personnes âgées. Puis tout vendu ou pas nous devions ramener au patronage le fruit de nos ventes. Puis cela étant tout jeune au lieu de nous rapprocher de l’église, nous éloignés.

Une évidence pour des enfants de 4 à 6 ans qui déjà ne comprenaient pas tous ce que les curés faisaient, comment admettre ce que devenait l’argent que nous leur rapportions. C’est ainsi que certains de nous après la chorale comprîmes bien plus tard, que les « chouchous » des prêtres étaient appelés à part. Telle une « Omerta » rien ne fusait de la non-présence durant l’après-midi dans les groupes de jeux. Prenant « Le pas de Géant » ou « La table de ping-pong » voire le baby-foot etc. Ces circonstances meurtrières me font penser à « La Mauvaise éducation » de Pédro Almodovar ou la projection eu lieu dans le cadre du cinéma « D’Art et d’essai » ce film sans être à 100% autobiographique, plonge Almodovar dans les souvenirs de sa prime jeunesse. Sans perdre de vue cela va de soi, que le spectateur se trouve partagé entre cinéma et réalité.

La Commission indépendante qui a enquêté sur les violences sexuelles au sein de l’Eglise catholique de France estime à 216.000 le nombre de mineurs victimes de prêtres, diacres et religieux depuis 1950, un constat « accablant » accueilli avec « honte » et « effroi » par la Conférence des évêques.

 

Ce 5 octobre, Jean-Marc Sauvé, qui préside les travaux de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l‘Eglise (Ciase) rend publiques les conclusions accablantes de son enquête.

Les victimes de prêtres pédophiles seraient 216.000. Ce nombre grimpe même à 330.000 si l’on y ajoute les personnes agressées par des laïcs travaillant dans des institutions de l’Église (enseignants, surveillants, cadres de mouvements de jeunesse…). Ces chiffres résultent d’une estimation statistique comprenant une marge de plus ou moins 50.000 personnes.

« Ces nombres sont bien plus que préoccupants, ils sont accablants et ne peuvent en aucun cas rester sans suite », a déclaré M. Sauvé qui, au nom de la commission, a appelé l’Eglise à reconnaître sans détour sa « responsabilité ».

Résultat de deux ans et demi de travaux, le rapport de la Ciase a été remis publiquement à Paris à l’épiscopat français et aux ordres et congrégations religieuses, en présence de représentants d’associations de victimes. La conférence de presse était retransmise en direct sur la chaîne KTO.
 


Face à eux, M. Sauvé a asséné que l’Eglise catholique avait manifesté « jusqu’au début des années 2000 une indifférence profonde, et même cruelle à l’égard des victimes » de pédocriminalité. De 1950 aux années 2000, « les victimes ne sont pas crues, entendues, on considère qu’elles ont peu ou prou contribué à ce qui leur est arrivé », a-t-il insisté.
 

La commission a longuement délibéré et elle est parvenue à une conclusion unanime : l’Eglise n’a pas su voir, n’a pas su entendre, n’a pas su capter les signaux faibles.

« Honte » et « responsabilité »

En recevant le rapport, le président de la Conférence des évêques de France, Mgr Eric de Moulins-Beaufort, a exprimé « sa honte » et « son effroi ».

« Mon désir en ce jour est de vous demander pardon, pardon à chacune et chacun », la voix des victimes « nous bouleverse, leur nombre nous accable », a-t-il ajouté.

Sœur Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France, a évoqué de son côté « un désastre »« que dire, sinon éprouver (…) une honte charnelle, une honte absolue ».

L’Eglise face aux crimes sexuels commis en son sein : quelles suites ?

Mgr de Moulins-Beaufort, a voulu rappeler que le célibat n’était pas responsable de ces abus « notre engagement à tous dans le célibat est un choix d’amour, de délicatesse, de respect, d’humilité. Que certains parmi nous aient pu ou pouvoir détourner leur ministère au service de leurs pulsions nous accable, nous déchire le cœur. »

 

Les victimes entendues

« C’est historique car on ne pourra plus nous dire qu’on salit l’Église, qu’il faut tourner la page », a ensuite confié à l’Agence France Presse une victime, Véronique Garnier.

« C’est bien parce que ce rapport de la commission, c’est quelque chose de sérieux, qui officialise ce qui s’est passé. J’ai déjà reçu des messages d’insultes en disant qu’on avait tout inventé », a abondé une autre victime, Jean-René, un membre du collectif85 (Vendée).


Pédophilie dans l’église : des victimes témoignent


En préambule à la publication du rapport, François Devaux, figure de la libération de la parole des victimes de violences sexuelles de la part de prêtres et de religieux, avait appelé les évêques de France à « payer pour tous ces crimes », en ne mâchant pas ses mots face aux membres du clergé réunis. « La tâche est abyssale », a-t-il prévenu, appelant à un concile « Vatican III », qui ne serait pour autant qu’un « point d’étape ».

« Je sais que c’est de l’enfer que vous revenez« , a lancé à la commission M. Devaux, cofondateur d’une association créée en 2015 par des victimes d’un aumônier scout du diocèse de Lyon, Bernard Preynat, et dissoute en mars dernier. Leur combat avait été raconté en 2019 par le film « Grâce à Dieu » de François Ozon.

A Rome, le rapport devrait être examiné à la loupe par le pape François, qui a rencontré une partie des évêques français en septembre et a été confronté à ce dossier de la pédocriminalité dès le début de son pontificat.

 

Comment indemniser ?

Les garçons « représentent près de 80% des victimes, avec une très forte concentration entre 10 et 13 ans », a relevé M. Sauvé. Il avait auparavant révélé une « estimation minimale » du nombre de prédateurs : « 2.900 à 3.200 » hommes – prêtres ou religieux – entre 1950 et 2020.

Selon le rapport, 1,16% des personnes en lien avec l’Eglise catholique ont subi des agressions sexuelles de diverses natures. Un taux de prévalence bien supérieur à celui de 0,34% concernant l’école publique (hors internats).

Pour mener à bien son enquête, la Ciase avait fait de la parole des victimes « la matrice de son travail », a rappelé M. Sauvé. D’abord avec un appel à témoignages, qui a recueilli en dix-sept mois 6.500 appels ou contacts de victimes ou proches. Puis en procédant à 250 auditions longues ou entretiens de recherche.

Elle a aussi effectué une plongée dans de nombreuses archives, de l’Église, des ministères de la Justice ou de l’Intérieur, de la presse…

Une fois le diagnostic posé, la Commission a énuméré plusieurs dizaines de propositions dans plusieurs domaines : écoute des victimes, prévention, formation des prêtres et des religieux, transformation de la gouvernance de l’Eglise…

M. Sauvé a appelé l’institution à apporter une « réparation » financière à toutes les victimes de violences sexuelles en son sein, souhaitant que cette indemnisation ne soit pas considérée comme « un don » mais « un dû ». Les premières mesures de la Conférence des évêques de France et de la Corref seront annoncées en novembre, date à laquelle les deux institutions se réuniront en assemblées plénières.
 

Qui est Jean-Marc Sauvé, le président de la Ciase ?

 

À la tête de la Commission indépendante sur la pédocriminalité dans l’Église catholique, Jean-Marc Sauvé est un ancien haut fonctionnaire de 72 ans.

Né dans une famille d’agriculteurs de la Somme, au sein d’une fratrie de quatre enfants, il a reçu une éducation catholique et fait du scoutisme. Alors qu’il est admis à l’École nationale d’administration, il est tenté par la vocation religieuse et demande à entrer au noviciat de Lyon. Après deux années cependant, il se rend compte que sa voie est ailleurs. Il repasse le concours de l’ENA et sort major de sa promotion. Il entre au Conseil d’Etat en 1977 dont il deviendra vice-président en 2006. A la fin de son mandat à la tête du Conseil d’Etat, il devient président de la Fondation des apprentis d’Auteuil en mai 2018 et en novembre de la même année il prend la tête de la Commission sur les abus sexuels dans l’Église.

Sources France TV5 Monde – Le Panda- Introduction de souvenirs d’enfants.

A suivre…/…

Le Panda

Patrick J u a n

52 réflexions sur “Pédophilie scandales, meurtres de l’Eglise catholique en France et ailleurs

  • Il est difficile de rester cloitré dans le silence face à un tel rapport. Peu nombreux sont les personnes qui ignoraient ces faits. C’est volontairement que j’ai placé le fim complet sur la UNE du site.

    N’hésitez surtout pas à regarder ces vidéos qui prouvent indubitablement la hauteur de ces crimes. Aucun enfant ou moins jeune ne choisit sa religion, tout comme la couleur de sa peau, voire sa famille il est élevé en fonction de ses origines et du respect dû à chacun.

    Cela quelle que soit ses origines, les claques que distribuent la religion tous azimuts, à priori ne peut laisser personne indifférent.

    C’est ainsi que naisent les extrêmes qui ensuite n’ont plus aucune frontière.

    Une évidence de plus face aux moments que nous traversons, il est où le bonheur sans perfidie ? Les violences gratuites, les agressions démontrent de la sorte que le laxisme ne mène qu’à des perditions plus perfides au quotidien.

    Les exemples sont légion à divers titres nous sommes complétement englués, le désespoir d’une forme de vie imposée coupe court à toutes ententes.

  • Dans les couloirs au sol marbré de noir et blanc, semblable à un plateau d’échecs, des hommes vont et viennent, transportant des chariots chargés de petits cartons. C’est l’effervescence, ce matin, dans les bureaux du secrétariat général du Synode des évêques, point névralgique de l’organisation du Synode qui s’ouvre samedi 9 et dimanche 10 octobre à Rome.

    Ici, au 34 Via della Conciliazione, où La Croix a été exceptionnellement autorisée à passer une matinée, onze personnes travaillent à temps plein à mettre en œuvre un processus qui doit durer deux ans : le Synode sur la synodalité. Une dénomination qui n’a pas manqué de provoquer quelques railleries, ces derniers mois, tant elle semble renvoyer à un concept abstrait et désincarné.

  • Rapport Sauvé : les « influenceurs cathos » se mobilisent pour maintenir la pression Abonnés
    Analyse

     Un hashtag, des projets de création d’une organisation de laïcs voire de manifestation, les idées ne manquent pas parmi les influenceurs catholiques pour faire entendre leur désir de réforme auprès de l’épiscopat.

    Sous le hashtag #MyChurchToo (#AussiMonEglise) sur Twitter, des influenceurs catholiques veulent « taper du poing sur la table ». Vendredi 8 octobre à 15 heures, la dizaine de personnalités à l’initiative de cette campagne inédite dans l’Église de France souhaite exprimer sa colère et affirmer haut et fort que les laïcs ont aussi une parole à prendre. « Nous ne voulons pas nous réveiller trop tard », explique Erwan Le Morhedec, avocat

  • « Vous avez la liberté de contester les lois, Monseigneur, de vous battre pour qu’elles changent. » Qu’elles semblent lointaines, ces déclarations de Gérald Darmanin, le 26 juin dernier, en présence de Mgr Lebrun, archevêque de Rouen. C’était à l’occasion de la cérémonie républicaine pour la paix et la fraternité organisée en hommage au père Hamel, assassiné cinq ans auparavant par des terroristes islamistes. Aujourd’hui, après que Mgr de Moulins-Beaufort a affirmé que le secret de la confession était plus fort que les lois de la République, le ton a sensiblement changé : « La loi de la République s’impose aux églises », martèle le matamore de la place Beauvau qui a convoqué le président de la Conférence des évêques de France au ministère de l’Intérieur, ce mardi 12 octobre.

  • Gérald Darmanin semble ignorer ce que Mgr de Moulins-Beaufort sait très bien : l’Église catholique est d’abord l’Église du Christ et, à ce titre, elle n’est maîtresse ni de son enseignement ni de ses sacrements. L’inviolabilité du secret de la confession fait partie de ce dépôt qu’on ne peut changer comme l’est, par exemple, l’exclusion des femmes du sacerdoce. Elle est une conformation du prêtre au Christ qui était un homme. Que se passera-t-il, demain, quand les « lois de la République » exigeront, au nom de la parité, que la moitié des personnes ordonnées soient des femmes ? On mesure là les limites de la loi de séparation de 1905 qui semblait considérer que les religions ne se préoccupaient que de considérations spirituelles, cantonnées aux lieux de culte et aux sacristies.

  • Or, toute religion est porteuse d’une anthropologie et donc d’une vision de l’organisation de la société. Cette conception, pour le croyant, n’est pas négociable car elle repose sur la volonté de Dieu, qui ne change pas, et non sur des majorités démocratiques ou des combinaisons d’appareil, par nature fluctuantes.

    Enfin, il est un peu navrant d’entendre Mgr de Moulins-Beaufort définir la confession comme un « espace de parole libre qui se fait devant Dieu ». C’est un peu court. Quand l’Église croyait au péché et à la nécessité du pardon, elle enseignait que la confession était le sacrement par lequel le pécheur, ayant fait l’aveu de ses fautes à Dieu, recevait de Dieu, par le simple intermédiaire du prêtre, le pardon de ses péchés. À condition d’effectuer la pénitence demandée et de prendre les moyens d’éviter de chuter à nouveau. Trahir le secret de la confession revient à trahir l’aveu du confessant à Dieu lui-même. Qui, parmi les doctes commentateurs de ce bras de fer, mesure l’impossibilité, pour un catholique et pour un prêtre, d’accéder à cette exigence ?

  • Tout le monde l’a dit, mais répétons-le: le travail mené sur les violences sexuelles au sein de l’Église a été remarquable. À titre personnel, plusieurs points ont attiré mon attention.

    D’abord, on peut officiellement arrêter de nous répondre que la seule voie est celle de la justice. Dès que l’on dénonce des violences sexuelles, il y a des gens pour classer toute discussion en prétendant que le sujet ne doit être traité que par la justice. La Ciase (qui était notamment composée de magistrats) démontre la possibilité d’inventer d’autres manières de faire. Elle ne s’est pas substituée à la justice, mais elle s’est extraite du cas particulier pour traiter l’aspect systémique de ces violences.

     

  • En 2015 était sorti l’excellent film Spotlight, qui traitait précisément de la manière dont des viols par des prêtres américains avaient été couverts par l’Église. Dans le film, un personnage détournait l’adage «il faut tout un village pour élever un enfant» en «il faut également tout un village pour détruire un enfant». Se posait alors frontalement la question de la responsabilité de la collectivité. La Ciase a permis d’affronter cette problématique.

  • Tous les milieux sont concernés
    Or, comme n’a pas manqué de le dire Jean-Marc Sauvé, dans une très bonne interview donnée à La Vie (et en accès gratuit pour quelques jours): «Ne nous y trompons pas: sur les violences sexuelles sur mineurs, il y a une faillite générale des institutions et des politiques publiques, dans tous les milieux, ces soixante-dix dernières années. (…) Je pense aussi qu’après l’Église, il convient que l’ensemble des institutions publiques ou privées engagent un travail similaire sur ce qu’il s’est passé en leur sein et en répondent. Les violences sexuelles sont une bombe à fragmentation dans notre société: si l’Église catholique est aujourd’hui en première ligne, les institutions publiques et privées ne pourront faire l’économie d’un retour sur elles-mêmes et devront aussi répondre de leurs actes ou de leur abstention.»

    Alors qu’il a été très présent dans les médias ces derniers jours, il a été assez peu interrogé sur cet aspect.

    Le risque actuel serait de considérer que, parce que le fonctionnement de l’Église présente des particularités, les violences sexuelles sont circonscrites à ce milieu. Ce qu’il faudrait, dans un monde pas trop pourri, c’est que ce rapport soit un point de départ pas uniquement pour les catholiques, mais pour l’ensemble de la société. On attend que l’Éducation nationale, par exemple, mène également un travail de documentation et de réflexion sur ce sujet à l’échelle de plusieurs décennies.

  • Il faut que l’ensemble de notre société, ainsi que chacune de ses institutions, prenne sa part dans ce travail.
    C’est ce à quoi aspire également Édouard Durand (juge des enfants) avec la Ciivise (commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants), qui a lancé un vaste appel à témoignages. Je sais que cet appel a suscité des réserves, mais on a appris que la gestion des appels serait confiée au Collectif féministe contre le viol et à l’association SOS Crise, en espérant qu’elles disposeront des moyens nécessaires. (Ceci étant, sur tout le site de la Ciivise, on insiste sur les conséquences psychologiques qui pourraient avoir lieu en décidant à parler.)

  • Reconnaissance des victimes
    Mais la Ciase n’a pas servi qu’à titre collectif. D’après les témoignages des victimes, cela les a aidées. Même sans procédure judiciaire, elles ont pu être reconnues comme victimes, ce qui était très important. Une réparation s’est faite pour certains dans ce processus: être entendu, savoir que sa voix compte, être cru. Puis que cette parole trouve un écho aussi fort. La justice n’est pas là pour réparer les victimes. Mais on voit ici une autre manière de faire qui peut ouvrir les esprits pour inventer autre chose et sortir de l’alternative: se lancer dans des poursuites judiciaires ou se taire.

    Autre point crucial: la méthode de comptage. L’enquête a commencé avec un appel à témoignages. Deux mille sept cents victimes y ont répondu. C’est peu en proportion du chiffre total. Cela fait 1,25% des victimes qui ont pris contact. Il est important de se rendre compte que beaucoup de victimes ne parlent pas. Parce qu’elles n’en ont pas envie, parce qu’elles veulent passer à autre chose, parce qu’elles ont peur que leur témoignage déclenche une enquête judiciaire ou simplement parce qu’elles n’ont pas identifié la nature de ce qu’elles ont vécu (particulièrement en cas d’agression sexuelle sans pénétration).

  • C’est le même constat qui vient d’être fait à l’école CentraleSupélec. Son directeur a déclaré au Monde: «Je n’ai eu aucun signalement de violences sexistes ou sexuelles au cours de l’année. Nous pensions que les choses étaient sous contrôle à travers notre cellule contre ces violences et le harcèlement et grâce à l’action des associations étudiantes engagées sur ces questions.» Or, une enquête interne menée auprès des premières et deuxièmes années révèle que concernant l’année scolaire passée: 51 femmes et 23 hommes déclarent avoir été victimes de harcèlement sexuel, 46 femmes et 25 hommes d’une agression sexuelle et 20 femmes et 8 hommes d’un viol. (Dans 9 cas sur 10, l’auteur est un étudiant et l’agression a été commise dans le cadre associatif ou au sein de la résidence universitaire.)

  • Il importe de se rendre compte que beaucoup de victimes ne parlent pas.
     

    Concernant l’Église, c’est la même méthode d’enquête qui a permis d’obtenir des chiffres fiables. Après l’appel à témoignages, une évaluation fondée sur les archives (de l’Église, de la presse, de la justice) a eu lieu. Elle dénombrait 4.800 victimes. Ce n’est que l’enquête en population générale qui a donné le vrai chiffre (qui correspond à ce qu’on trouve dans d’autres pays).

    Conclusion: l’écrasante majorité des victimes ne viennent pas se signaler. Rien ne remonte donc. Comment dès lors faire émerger le réel? Pour savoir ce qu’il se passe, il faut aller leur demander. (Et évidemment, le faire à l’aide de questionnaires mis au point par des professionnels, et en mettant à disposition des aides si besoin.) Si personne ne dit que ça ne va pas, cela ne signifie pas que tout va bien. Il faut aller poser la question aux gens.

  • Mettre les moyens
    Ce qui implique autre chose: ça coûte de l’argent. «Le coût complet des travaux de la Ciase, en additionnant le coût financier pour ses mandants et la valorisation du bénévolat de tous ceux qui ont œuvré pour la commission peut donc être évalué à 3,8 millions d’euros.» (Tous les membres de la commission étaient bénévoles.) D’ailleurs, toujours dans l’optique d’élargir la démarche à d’autres institutions, Jean-Marc Sauvé suggère: «Il est par ailleurs souhaitable que l’État crée un fonds d’indemnisation des victimes de violences sexuelles dans le prolongement des travaux de la Ciivise.»

    Pour finir, faisons un point lexique, parce que les mots, ça compte. À l’occasion de la remise du rapport de la Ciase, on a vu, lu et entendu du «abus sexuel» partout. Je pense toujours que ce n’est pas l’expression adéquate. Mais à leur décharge, si les journalistes l’ont employée, c’est parce qu’ils reprenaient les termes du rapport. L’Inserm (qui était chargé de l’enquête en population générale), l’explique ainsi (via Lénaïg Bredoux de Mediapart, qui n’emploie pas non plus ce terme): il s’agirait de définir le contexte d’abus de pouvoir. L’«abus sexuel» servirait à définir le contexte relationnel dans lequel les violences sexuelles ont été commises.

  • Lénaïg Bredoux
     
    @LenaBred
    De l’importance de bien nommer les choses, en ce jour tout particulièrement : pourquoi @mediapart parle de « violences sexuelles dans l’église » ou de « pédocriminalité » et non de pédophilie. La notion d’abus sexuels étant, elle, utilisée par le rapport remis.
     
     

  • Sauf que dans ce cas, le terme «abus sexuel» ne me paraît toujours pas le bon (et naît d’un anglicisme). Il s’agit d’une personne qui abuse de son autorité pour violer ou agresser. D’ailleurs, la Ciase le formule bien: «La typologie des “abus” recensés fait apparaître six configurations: l’“abus paroissial” commis par le curé ou le vicaire regardés comme des notables du village, l’“abus scolaire” commis par le prêtre ou le religieux enseignant ou maître d’internat, l’“abus familial” commis par un membre ou un proche de la famille, l’“abus éducatif” commis dans le cadre d’un patronage ou d’un mouvement de jeunesse.» Je garde cette impression que «abus sexuel» évite de dire viols ou violences, et suggère qu’il y aurait des pratiques sexuelles acceptables (s’agissant ici de mineurs) du moment que l’on n’abuse pas.

  • Tout le monde l’a dit, mais répétons-le: le travail mené sur les violences sexuelles au sein de l’Église a été remarquable.

    À titre personnel, plusieurs points ont attiré mon attention.

    D’abord, on peut officiellement arrêter de nous répondre que la seule voie est celle de la justice. Dès que l’on dénonce des violences sexuelles, il y a des gens pour classer toute discussion en prétendant que le sujet ne doit être traité que par la justice. La Ciase (qui était notamment composée de magistrats) démontre la possibilité d’inventer d’autres manières de faire. Elle ne s’est pas substituée à la justice, mais elle s’est extraite du cas particulier pour traiter l’aspect systémique de ces violences. En 2015 était sorti l’excellent film Spotlight, qui traitait précisément de la manière dont des viols par des prêtres américains avaient été couverts par l’Église. Dans le film, un personnage détournait l’adage «il faut tout un village pour élever un enfant» en «il faut également tout un village pour détruire un enfant». Se posait alors frontalement la question de la responsabilité de la collectivité. La Ciase a permis d’affronter cette problématique.

    Or, comme n’a pas manqué de le dire Jean-Marc Sauvé (dans une très bonne interview donnée à La Vie et en accès gratuit pour quelques jours): «Ne nous y trompons pas: sur les violences sexuelles sur mineurs, il y a une faillite générale des institutions et des politiques publiques, dans tous les milieux, ces soixante-dix dernières années. (…) Je pense aussi qu’après l’Église, il convient que l’ensemble des institutions publiques ou privées engagent un travail similaire sur ce qu’il s’est passé en leur sein et en répondent. Les violences sexuelles sont une bombe à fragmentation dans notre société: si l’Église catholique est aujourd’hui en première ligne, les institutions publiques et privées ne pourront faire l’économie d’un retour sur elles-mêmes et devront aussi répondre de leurs actes ou de leur abstention.»

    Alors qu’il a été très présent dans les médias ces derniers jours, il a été assez peu interrogé sur cet aspect.

    Le risque actuel serait de considérer que, parce que le fonctionnement de l’Église présente des particularités, les violences sexuelles sont circonscrites à ce milieu. Ce qu’il faudrait, dans un monde pas trop pourri, c’est que ce rapport soit un point de départ pas uniquement pour les catholiques, mais pour l’ensemble de la société. On attend que l’Éducation nationale, par exemple, mène également un travail de documentation et de réflexion sur ce sujet à l’échelle de plusieurs décennies.

  • C’est ce à quoi aspire également Édouard Durand (juge des enfants) avec la Ciivise (commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants), qui a lancé un vaste appel à témoignages. Je sais que cet appel a suscité des réserves, mais on a appris que la gestion des appels serait confiée au Collectif féministe contre le viol et à l’association SOS Crise, en espérant qu’elles disposeront des moyens nécessaires. (Ceci étant, sur tout le site de la Ciivise, on insiste sur les conséquences psychologiques qui pourraient avoir lieu en décidant de parler.)

    Il faut donc que l’ensemble de notre société, ainsi que chacune de ses institutions, prenne sa part dans ce travail.

    Mais la Ciase n’a pas servi qu’à titre collectif. D’après les témoignages des victimes, cela les a aidées. Même sans procédure judiciaire, elles ont pu être reconnues comme victimes, ce qui était très important. Une réparation s’est faite pour certains dans ce processus: être entendu, savoir que sa voix compte, être cru. Puis que cette parole trouve un écho aussi fort. La justice n’est pas là pour réparer les victimes. Mais on voit ici une autre manière de faire qui peut ouvrir les esprits pour inventer autre chose et sortir de l’alternative: se lancer dans des poursuites judiciaires ou se taire.

  • Autre point crucial: la méthode de comptage. L’enquête a commencé avec un appel à témoignages. Deux mille sept cents victimes y ont répondu. C’est peu en proportion du chiffre total. Cela fait 1,25% des victimes qui ont pris contact. C’est important de se rendre compte que beaucoup de victimes ne parlent pas. Parce qu’elles n’en ont pas envie, parce qu’elles veulent passer à autre chose, parce qu’elles ont peur que leur témoignage déclenche une enquête judiciaire ou simplement parce qu’elles n’ont pas identifié la nature de ce qu’elles ont vécu (particulièrement en cas d’agression sexuelle sans pénétration).

    C’est le même constat qui vient d’être fait à l’école CentraleSupélec.

    Son directeur a déclaré au Monde «Je n’ai eu aucun signalement de violences sexistes ou sexuelles au cours de l’année. Nous pensions que les choses étaient sous contrôle à travers notre cellule contre ces violences et le harcèlement et grâce à l’action des associations étudiantes engagées sur ces questions.» Or, une enquête interne menée auprès des premières et deuxièmes années révèle que concernant l’année scolaire passée: 51 femmes et 23 hommes déclarent avoir été victimes de harcèlement sexuel, 46 femmes et 25 hommes d’une agression sexuelle et 20 femmes et 8 hommes d’un viol. (Dans 9 cas sur 10, l’auteur est un étudiant et l’agression a été commise dans le cadre associatif ou au sein de la résidence universitaire.)

  • Concernant l’Église, c’est la même méthode d’enquête qui a permis d’obtenir des chiffres fiables. Après l’appel à témoignages, une évaluation fondée sur les archives (de l’Église, de la presse, de la justice) a eu lieu. Elle dénombrait 4.800 victimes. Ce n’est que l’enquête en population générale qui a donné le vrai chiffre (qui correspond à ce qu’on trouve dans d’autres pays).

    Conclusion: l’écrasante majorité des victimes ne viennent pas se signaler. Rien ne remonte donc. Comment alors faire émerger le réel? Pour savoir ce qu’il se passe, il faut aller leur demander. (Et évidemment, le faire à l’aide de questionnaires mis au point par des professionnels, et en mettant à disposition des aides si besoin.) Si personne ne dit que ça ne va pas, ça ne signifie pas que tout va bien. Il faut aller poser la question aux gens.

    Ce qui implique autre chose: ça coûte de l’argent. «Le coût complet des travaux de la Ciase, en additionnant le coût financier pour ses mandants et la valorisation du bénévolat de tous ceux qui ont œuvré pour la commission peut donc être évalué à 3,8 millions d’euros.» (Tous les membres de la commission étaient bénévoles.) D’ailleurs, toujours dans l’optique d’élargir la démarche à d’autres institutions, Jean-Marc Sauvé suggère: «Il est par ailleurs souhaitable que l’État crée un fonds d’indemnisation des victimes de violences sexuelles dans le prolongement des travaux de la Ciivise.»

  • Pour finir, faisons un point lexique, parce que les mots, ça compte. À l’occasion de la remise du rapport de la Ciase, on a vu, lu et entendu du «abus sexuel» partout. Je pense toujours que ce n’est pas l’expression adéquate. Mais à leur décharge, si les journalistes l’ont employée, c’est parce qu’ils reprenaient les termes du rapport. L’Inserm (qui était chargé de l’enquête en population générale), l’explique ainsi (via Lénaïg Bredoux de Mediapart, qui n’emploie pas non plus ce terme): il s’agirait de définir le contexte d’abus de pouvoir. L’«abus sexuel» servirait à définir le contexte relationnel dans lequel les violences sexuelles ont été commises.

    Sauf que dans ce cas, le terme «abus sexuel» ne me paraît toujours pas le bon (et naît d’un anglicisme). Il s’agit d’une personne qui abuse de son autorité pour violer ou agresser. D’ailleurs, la Ciase le formule bien: «La typologie des «abus » recensés fait apparaître six configurations: l’«abus paroissial » commis par le curé ou le vicaire regardés comme des notables du village, l’«abus scolaire » commis par le prêtre ou le religieux enseignant ou maître d’internat, l’«abus familial » commis par un membre ou un proche de la famille, l’«abus éducatif » commis dans le cadre d’un patronage ou d’un mouvement de jeunesse.» Je garde cette impression que «abus sexuel» évite de dire viols ou violences, et suggère qu’il y aurait des pratiques sexuelles acceptables (s’agissant ici de mineurs) du moment que l’on n’abuse pas.

    Pour rappel, les personnes qui se sentent attirées par les enfants peuvent contacter le 08 06 23 10 63 pour obtenir de l’aide.

  • Les catholiques doivent-ils contribuer à l’indemnisation des victimes 
    Alors que, dans ses recommandations, la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase) invite à « écarter les pistes d’un appel aux dons des fidèles », l’épiscopat n’exclut pas de demander de l’aide aux catholiques. Entre désir de solidarité et risque de dilution de la responsabilité de l’institution, la question suscite des réactions contrastées

  • A titre personnel, je pourrais contribuer à un fonds d’indemnisation des victimes. J’entends l’argument de la Ciase qui souhaite éviter de diluer la responsabilité de l’institution qui doit elle-même réparer. En revanche, je me sens moi-même concerné et responsable de la manière dont l’Église a abordé jusqu’à aujourd’hui les affaires de pédocriminalité. Jusqu’en 2016, je n’ai pas cru aux nombres massifs de ces actes, pensant que les diverses révélations relevaient essentiellement d’attaques contre l’Église. Je ne me sens pas coupable, mais j’estime que je n’ai pas été le gardien de mon frère. Je n’ai pas créé le climat d’écoute nécessaire qui aurait permis aux personnes victimes de sentir qu’elles pouvaient venir me parler. Elles ont pu légitimement ressentir un défaut de fraternité. Ainsi, comme nous n’avons pas beaucoup de façon de marquer cette fraternité à l’égard des victimes, contribuer financièrement m’apparaît comme un geste concret et juste marquant notre douleur partagée.

  • Cependant, je tiens à préciser, et cela me semble majeur, que ce ne peut pas être sans conditions. Les évêques ne peuvent pas provoquer notre honte, se tourner vers les fidèles pour leur demander leur contribution et dans le même temps, écarter les laïcs des décisions à prendre. En cas de contribution, il faut nécessairement que les laïcs puissent avoir un droit de regard sur les réformes engagées. Il n’est pas possible de solliciter l’argent des fidèles puis retourner décider en vase clos. Par exemple, le Vatican a évoqué une commission indépendante d’évaluation des réformes : à mon sens, c’est indispensable. Si ce type de mesures n’est pas pris, je n’aurai pas la même réaction quant à une possible contribution personnelle.

  • Je comprends que les fidèles, se sentant profondément humiliés par une situation à laquelle ils n’ont pas directement contribué, s’interrogent sur leur responsabilité. Mais peut-être nous faut-il dépasser cela, en nous rappelant que nous sommes un corps. Si nous n’avons pas une responsabilité directe et volontaire, en revanche nous savons que des membres de ce corps souffrent. Contribuer financièrement peut être alors une modalité, car la réparation comporte une dimension financière. Il nous faut peut-être accepter de faire un examen de conscience sur la manière dont nous percevions la pédocriminalité dans l’Église. Par notre contribution, nous assumons notre responsabilité morale. Ce n’est pas une obligation mais une marque de proximité et une manière de montrer que nous sommes tous concernés. Évidemment, en donnant, nous ne serons pas quittes, mais ce n’est pas un geste anodin, c’est un signal envoyé à toutes les victimes. Il existe sans doute d’autres gestes symboliques, mais le plus indispensable est bien de convertir notre cœur et notre regard pour que les personnes victimes, passées et présentes, n’aient pas de doutes sur le fait qu’elles peuvent s’ouvrir à nous.

  • Ce n’est pas aux laïcs de faire pénitence
    Olivier Savignac

    Victime d’un prêtre à l’âge de 13 ans, cofondateur de l’association Parler et revivre

     
    Olivier Savignac. / Noemie Olive/Reuters
    De même que la Corref (Conférence des religieux et religieuses de France) a dit clairement que les communautés religieuses allaient contribuer à l’indemnisation des victimes, de même, nous demandons aux diocèses de s’amputer de leurs capacités financières pour cela. Par la mise en place des mécanismes de silence qui ont permis aux abus de prospérer, l’épiscopat porte une lourde responsabilité dans le drame des 330 000 enfants dénombrés par la Ciase (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église). Or, la reconnaissance de cette responsabilité morale et juridique doit impliquer que cela coûte quelque chose à l’institution. Ce que je dis là, ce n’est ni plus ni moins que ce que préconise la Ciase : elle a ainsi repris une demande que nous, les personnes victimes, portions depuis longtemps.

  • Quand j’entends des évêques dire que l’Église ne vit de toute façon que de dons, donc que c’est aux fidèles de payer, cela me fait bondir ! C’est une hypocrisie majeure, et une manière pour les diocèses de se dédouaner de leurs responsabilités. Tous ont un patrimoine, notamment immobilier. Chacun devra contribuer à la hauteur de ses moyens, en revendant des immeubles aujourd’hui loués ou des évêchés trop luxueux. Dans l’Aveyron, où je vis, l’évêché a coûté 5 millions d’euros en centre-ville de Rodez, alors qu’il y avait déjà une maison diocésaine en périphérie. Je serais d’avis que cet évêché soit vendu. Quant au patrimoine immobilier du Vatican, rien qu’à Paris, il s’élève à 600 millions d’euros ! Je rappelle que pour son « fonds de dotation », la Conférence des évêques de France (CEF) prévoit un montant de 5 millions d’euros, dont 3,8 millions sont allés au fonctionnement de la Ciase. Cela laisse 1,2 million : si l’on divise par 330 000 victimes, il reste moins de quatre euros par victime… On est loin des réalités.

  • Si certains catholiques veulent contribuer à l’indemnisation des victimes car ils se sentent responsables comme membres de l’Église, très bien. Mais que les instances dirigeantes ne se cachent pas derrière ces gestes de générosité. Ce n’est pas aux laïcs de faire pénitence. Pour moi qui ai pris mes distances avec l’Église, de tels propos sont inaudibles. Nous n’avons aucune leçon à donner aux fidèles d’aujourd’hui, mais plutôt un appel à leur lancer : bousculez-la, votre Église ! Poussez les portes pour être associés aux instances décisionnelles, pour que les choses changent ! De son côté, l’institution ecclésiale doit faire pénitence, et elle doit le faire dans la pauvreté. Je suis atterré par les réactions « a minima » de certains évêques depuis mardi, en particulier par la réaffirmation du secret de confession par Mgr de Moulins-Beaufort à la radio, contre les préconisations de la Ciase. Après toutes ces années de dialogue avec les victimes, c’est affligeant. En se croyant au-dessus de tout, l’Église poursuit son œuvre de désastre.

  • Abus sexuels dans l’Église, les laïcs aussi:

     Le rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase) fait état de 115 000 victimes de violence sexuelles de la part de laïcs dans un cadre ecclésial entre 1950 et 2020. Les témoignages de victimes sont cependant peu nombreux.

  • C’est un chiffre qui est passé un peu inaperçu, dans le flot d’informations et de statistiques affligeantes énoncées par le rapport Sauvé, le 5 octobre : on estime à 115 000 le nombre de personnes victimes de violences sexuelles de la part de laïcs dans un cadre ecclésial. Ce qui, ajouté aux chiffres établis pour les abus commis par des prêtres (216 000) porte à 330 000 le nombre de victimes mineures ou adultes vulnérables de 1950 à 2020. Un aspect du dossier que la Commission indépendante pour les abus sexuels dans l’Église (Ciase) n’a pas particulièrement traité, si ce n’est par quelques éléments soulignant une fois encore la gravité de la situation.

  • « C’est le moment de la honte » : le pape François réagit au rapport Sauvé 
    Les faits

     Le pape François s’est attristé mercredi 6 octobre du nombre « considérable » de victimes d’abus sexuels au sein de l’Église en France. Réagissant ainsi publiquement à la publication, la veille, du rapport de la commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase), le pape François a invité les catholiques français à « assumer leurs responsabilités » pour éviter la répétition de tels faits.

  • Abus sexuels : le pape fait part de sa « douleur » face à cette « effroyable réalité » 
    Les faits

     Quelques heures après la publication du rapport Sauvé sur les abus sexuels dans l’Église de France, mardi 5 octobre, le pape François a salué le « courage » des victimes qui ont dénoncé leurs agresseurs et a dit ressentir un « immense chagrin ».

  • « La faillite de l’Église est le résultat d’une véritable pathologie de la parole »

     Une semaine après la présentation du rapport Sauvé, Marine de Préneuf et Marie Grand, deux professeures de philosophie, mères de famille et catholiques lyonnaises, attendent que les laïcs soient enfin entendus dans l’Église.

  • « Nous devons entendre le cri des victimes », a-t-on pu entendre mardi dernier en réaction à la remise du rapport de la Ciase. Loin de vouloir recouvrir ce cri nous aimerions le relayer en faisant aussi entendre la voix des fidèles.Car l’ampleur des faits interroge la nature « systémique » du problème. Nous savions l’institution faillible, le Christ ayant lui-même choisi de la fonder sur un pécheur, celui-là même qui le renia par trois fois ; mais de là à imaginer qu’elle serait le premier lieu des violences sexuelles sur mineurs après la famille ! Choqués, certains ne viendront plus sur les bancs de l’église. D’autres, comme nous, y reviendront parce que c’est d’abord le Christ, seul médiateur, que nous rencontrons en notre Église.

  • En tant que simples fidèles, mères de famille, laïques engagées dans le monde, nous risquons une hypothèse : cette faillite de l’Église est le résultat, non seulement d’un emprisonnement dans le silence, comme nous l’ont enseigné les victimes de la Parole libérée, mais plus encore d’une véritable pathologie de la parole. Comment comprendre que l’Église, qui annonce la parole de Dieu, n’ait pas entendu ce « cri des victimes » qui résonne à longueur de psaumes et d’évangiles ?

  • L’Église n’a pas su nommer
    Si l’Église n’a pas su entendre c’est peut-être d’abord parce qu’elle n’a pas su nommer. Le travail de la Ciase est exemplaire non seulement parce qu’il prend au sérieux la parole des victimes mais aussi parce qu’il objective le mal qui leur a été fait dans des termes clairs. Dans ce rapport on appelle un chat un chat et un crime un crime. Or il existe malheureusement une « langue de bois ecclésiastique » qui euphémise les fautes et amalgame les situations. C’est toute la grammaire de la sexualité qui serait en l’occurrence à revoir. Comment mettre sur le même plan : la masturbation, l’infidélité, les manquements à la chasteté et les viols ?

  • Abus sexuels : les évêques de France appelés à la « démission collective » 
    Les faits

     Trois personnalités – dont la théologienne Anne Soupa – appellent les évêques de France à la « démission collective », lundi 11 octobre, après les conclusions de la Commission Sauvé sur la pédocriminalité dans l’Église. Les signataires demandent au pape de nommer un « légat » pour l’Église de France, et suggèrent le nom de sœur Véronique Margron.

  • « Face à la faillite, la démission des évêques est la seule issue honorable. » Ainsi se résume l’appel lancé, lundi 11 octobre, par le cofondateur de l’association de victimes la Parole libérée François Devaux, la théologienne Anne Soupa et la directrice de la rédaction de Témoignage chrétien Christine Pedotti. Leur pétition en ligne a déjà rassemblé plus de 2 800 signatures.

  • Secret de confession : « échange fructueux » entre Mgr de Moulins-Beaufort et Gérald Darmanin 
    Les faits

     Le président de la Conférence des évêques de France a été reçu mardi 12 octobre Place Beauvau par le ministre de l’intérieur pour parler du secret de la confession. Mgr de Moulins-Beaufort se dit prêt « à mener les réformes nécessaires pour que l’Église, en France, mérite la confiance de tous ».

  • « Un échange fructueux et long. » C’est par ces mots que Gérald Darmanin, interrogé à l’Assemblée nationale ce mardi 12 octobre, a décrit l’entretien qui s’était achevé quelques minutes plus tôt avec Mgr Éric de Moulins-Beaufort, tout en saluant « le courage » de l’Église catholique d’avoir affronté la question des abus sexuels.

  • Mgr de Moulins-Beaufort : les résolutions pour lutter contre les abus sexuels « nous engagent pour l’avenir »
    Les faits

     Dans son discours de clôture de l’Assemblée plénière des évêques de France, vendredi 26 mars, Mgr Éric de Moulins-Beaufort, le président de la Conférence des évêques de France, a annoncé des « décisions importantes », sous la forme de 11 résolutions, pour lutter contre les abus sexuels dans l’Église. Elles seront connues ce même jour à 12 h 30.

    Onze résolutions et une longue lettre à tous les catholiques de France. À l’issue de leur Assemblée plénière de printemps, les évêques français accélèrent sur le douloureux dossier de la lutte contre les abus sexuels dans l’Église.

  • L’Église n’a pas su nommer
    Si l’Église n’a pas su entendre c’est peut-être d’abord parce qu’elle n’a pas su nommer. Le travail de la Ciase est exemplaire non seulement parce qu’il prend au sérieux la parole des victimes mais aussi parce qu’il objective le mal qui leur a été fait dans des termes clairs. Dans ce rapport on appelle un chat un chat et un crime un crime. Or il existe malheureusement une « langue de bois ecclésiastique » qui euphémise les fautes et amalgame les situations. C’est toute la grammaire de la sexualité qui serait en l’occurrence à revoir. Comment mettre sur le même plan : la masturbation, l’infidélité, les manquements à la chasteté et les viols.

    « Par leurs stratégies de dissimulation, les autorités ecclésiales se sont gravement compromises »

    Le rapport de la commission montre aussi comment le terme de « péché » a pu faire écran à celui de « crime », combien l’expression « abus sexuels » minimise la « violence sexuelle » ou encore pourquoi la notion de « pardon » utilisée à tort et à travers peut malencontreusement se substituer à celle de « justice ». La sémantique de l’Église s’est, sur certains sujets, vidée de sa substance. Ne doit-elle pas ressourcer sa parole à celle de l’Évangile, qui généralement ne « mâche pas ses mots » ?

  • Des lettres d’alerte restées sans réponses
    Si l’Église n’a pas su entendre c’est aussi parce qu’elle n’a pas su écouter. Les « signaux faibles », dit le rapport Sauvé, n’ont pas été perçus. Combien de lettres d’alerte restées sans réponses, de dossiers accablants accumulés dans les armoires des évêchés ? Les responsables ecclésiaux n’étaient pas toujours de mauvaise foi. Beaucoup, incapables de bien saisir de quoi il s’agissait, ont été gravement négligents. Pourquoi n’avoir pas pris conseil et écouté la voix de ceux qui savent ? Ce qui est aussi en cause, c’est l’organisation de l’institution, qui laisse l’évêque seul en des matières si graves. Coupé de toute contradiction véritable et entouré de quelques courtisans aveuglés, comment pourrait-il entendre et discerner ?

  • Il est temps de rompre avec cette conception monarchique du pouvoir épiscopal. Là encore la rhétorique du service mériterait d’être explicitée. « Tout pouvoir est un service » entend-on répéter, mais n’oublions pas que le don crée parfois une dette qui soumet celui qui reçoit et sacralise celui qui donne. Or le Seigneur nous commande de « nous laver les pieds les uns aux autres ». Le serviteur doit accepter lui aussi d’être servi et secondé dans sa tâche, afin que l’Église soit un corps et non une cour.

    Les fidèles ne sont pas des sujets
    Car l’heure est à la synodalité. Les fidèles ne sont pas des sujets ; ils ont un rôle fondamental dans l’Église. Ils sont l’Église. « Les prêtres sont pour les laïcs, et les laïcs sont pour le monde » disait le bienheureux Frédéric Ozanam. La religion chrétienne est une religion de l’incarnation : le sacré n’est pas séparé, il est venu au cœur du monde. Le sens de la foi, « sensus fidei » est présent dans le peuple de Dieu auprès de qui le clergé doit savoir prendre conseil.

  •  Rapport Sauvé, quel rôle pour le futur comité de suivi ?

    L’entre-soi catholique doit sortir de la méfiance vis-à-vis de la société, méfiance incorporée du fait de l’histoire heurtée des relations entre l’Église et l’État. Puisse la nostalgie du pouvoir temporel de l’Église disparaître enfin avec cette crise, afin que ses membres soient de réels serviteurs du bien commun et cessent de se comporter comme une citadelle assiégée. Dans cette douloureuse affaire, comme dans la parabole du bon Samaritain, ce n’est pas celui que l’on attendait qui s’est montré à la hauteur de la situation : les bénévoles de la Ciase ont donné une leçon de charité en mettant leurs compétences au service d’une écoute des victimes véritablement experte. Mardi dernier, sur l’estrade, c’est paradoxalement Jean-Marc Sauvé qui nous est apparu en homme d’Église.

  • Après le courage de la vérité, celui de l’action
    Enfin, parler ne suppose pas seulement de nommer, d’écouter mais aussi d’agir. Le verbe est toujours pris au sérieux dans la Bible. Dans l’Ancien Testament la parole se fait loi, dans les Évangiles elle se fait chair. L’Église a eu le courage de la vérité en commandant ce rapport, elle doit avoir le courage de l’action en ne reportant pas les réformes fondamentales à plus tard. Car il faut se demander ce qui dans sa gouvernance, son organisation et ses pratiques fait obstacle à l’Évangile. Puissent nos évêques entendre la voix des fidèles, qui réclament que les recommandations de la Ciase soient étudiées de manière sérieuse et collégiale.

  • Comment parler des abus sexuels dans l’Église aux enfants ?
    Explication

     Le rapport Sauvé sur les abus sexuels dans l’Église, qui révèle que 330 000 mineurs ont été agressés par des clercs, des religieux et des laïcs depuis 1950, pose une nouvelle fois la question de la parole au sein des familles sur ce sujet sensible et douloureux.

  • Parler des violences sexuelles faites aux enfants est toujours une tâche « délicate » pour les parents. Et ce n’est d’ailleurs peut-être pas la première chose à faire, selon Mélanie Dupont, psychologue à l’unité médico-judiciaire de l’Hôtel-Dieu, à Paris, et présidente de l’association Centre de victimologie des mineurs. « Il vaut mieux commencer par de la prévention sur la question du respect du corps et du consentement, propose-t-elle. On peut très tôt expliquer à un enfant que son corps lui appartient et qu’il peut dire non, même à un adulte. »

  • Malgré l’actualité, portée notamment depuis mardi 5 octobre par les révélations du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église, les parents ne doivent pas se sentir obligés d’en parler s’ils ne sont pas à l’aise. « Devant un adulte déstabilisé, l’enfant comprendra surtout qu’il ne faut pas aborder ces sujets-là, explique la psychologue, quipréconise de déléguer cette parole, ou de s’appuyer sur des outils, comme ceux proposés par Bayard (1), pour faciliter l’échange et susciter la réflexion chez l’enfant, en lui disant : que ferais-tu si tu étais dans ce genre de situation ? »

  • Un vocabulaire adapté
    La mission des parents est d’autant plus difficile qu’il faut tenir « un discours ambivalent », reconnaît la spécialiste. « Dire à son enfant : “Méfie-toi des inconnus” est une chose, mais lui expliquer qu’il doit se méfier des gens qui l’entourent et qui sont là pour le protéger, c’est beaucoup plus compliqué.C’est ce qui se passe dans l’inceste et les violences intrafamiliales, mais également dans l’Église, où le prêtre est une personne en qui l’enfant a confiance, d’autant que papa et maman l’aiment aussi. »

  • Les parents doivent également choisir un vocabulaire adapté. Le terme de « violences sexuelles » ne peut pas être compris par les plus jeunes, rappelle Mélanie Dupont. « Mieux vaut parler de comportements bizarres de la part des adultes et de la gêne que l’enfant ressent,en lui disant : “S’il y a quelque chose que tu n’aimes pas et qui te met mal à l’aise, il faut en parler à papa, à maman ou à un autre adulte”. Et il n’y a pas de secretqui tienne, contrairement à ce qu’en disent les prédateurs. »

    Comment en parler dans les familles croyantes ?
    La dimension cléricale du nouveau scandale d’abus sexuels, qui frappe surtout l’Église, avec 330 000 mineurs agressés,ajoutera peut-être une difficulté supplémentaire pour les parents. « On ne parlera pas de ce sujet de la même manière dans une famille laïque qui “bouffe du curé” à longueur de journée que dans une famille indifférente à la religion ou dans celle, qui sans être forcément pratiquante, défend l’Église », relève le psychanalyste Jean-Pierre Winter, membre de la Commission Sauvé. « Il faudrait une parole neutre qui pourrait venir de l’école via la psychologue ou l’infirmière scolaire, suggère-t-il. Mais quelle que soit la personne qui parle, elle doit dire et redire aux enfants que les violences sexuelles sont des actes criminels punis par la loi. Et que les adultes n’ont pas tous les droits, quel que soit leur discours ».

  • Des outils pour parler de l’inceste aux enfants

    La difficulté sera encore d’un autre ordre dans certaines familles catholiques. « L’ampleur des faits dévoilés par la Ciase peut être littéralement insupportable aux yeux de certains parents qui ne pourront pas en parler à leurs enfants, analyse Jean-Pierre Winter. L’idée que cette autorité morale puisse faillir est inconcevable et ils préféreront se réfugier dans le déni, comme l’a d’ailleurs fait l’Église pendant des décennies. Or, on ne s’en sort que par la vérité. L’erreur de l’institution, c’est justement d’avoir cru que le mensonge la sauverait. »

    Il faut rappeler aux enfants qu’un prêtre est un « homme » et, qu’en tant que tel, il peut « commettre des actes répréhensibles », poursuit le psychanalyste, tout en leur disant « que cela ne concerne pas tous les prêtres » et que « les valeurs de l’Église » demeurent. « Ce qui s’est passé ne doit pas forcément entamer la crédibilité de toute l’institution », estime Jean-Pierre Winter, qui suggère de citer des exemples positifs, comme le « Secours catholique qui s’occupe des plus démunis », pour leur redonner confiance en l’humanité.

Laisser un commentaire